Quelques-uns des textes écrits par les participants de l’atelier d’écriture de la MJC du Vieux Lyon en 2006/2007
Textes
de Françoise Auray
Lorsque
tu seras prêt
Ce
sera jour d’orage
Nuages
et soleil noirs
envahiront mon ciel
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour de jeûne
de
ton rire, de ta voix
à
jamais j’aurai faim
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour d’ennui
s’égrèneront
les heures
sablier
de tristesse
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour de froid
au
jardin endormi
plus
rien ne poussera
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour de doute
ton
regard silencieux
me
verra-t-il encore ?
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour d’oubli
colères
et blessures
se
seront évanouies
lorsque
tu seras prêt
ce
sera jour d’envol
papillons
éphémères
de
souffles partagés
lorsque
tu seras prêt
pour
ton voyage immobile
______
Tu
m’appelles et je viens…laideur du décor…ta main sur ma main…
Tremblement
de ta voix…Tu racontes….
Jeune
homme au saxo… Beauté du Soleil Levant sur les Alpes…
Main
décharnée…Reste encore…
Main
qui implore…Caresse infinie…Taches brunes sur tes mains…
Tu
dis le ruisseau, le chemin…Temps suspendu…
Je
te rejoins…
Impossible…
Larmes
qui coulent sur tes mains…
Ne
me laisse pas…
Merci….
_____
Mortes saisons
Deux
cigognes en voyage
Avec
une fulgurante lenteur
Se
trompent de printemps.
Bourgeons
d’hiver
Comme
petits seins qui pointent
Dure
sera la chute
Tes
cheveux blancs
Là
sous mes yeux
Mon
souvenir de neige
Douceur
assassine
De
l’hiver
Une
abeille pleure ses fleurs
Beauté
glacée
Le
pâle soleil d’hiver
Sur
le cadavre de l’ours blanc
Neiges
éternelles
Accrochées
aux nuages
Se
sont envolées
Respirer
l’odeur du printemps
Sous
des pommiers en fleurs
Quel
rêve étrange
Transpercée
de soleil
Elle
agonise
La
couche d’ozone
Goutte
de rosée
Du
matin
Tu
n’étais qu’une larme
La
folie des hommes
Un
jour finira
noyée
.
Glacier
bleuté
enlacé
à l’eau claire du torrent
l’amour
te perdra
se
souvenir
éperdument
une
pilule bleue pour le printemps
printemps
et autres saisons
avant
de mourir
regardez-moi
encore un peu
Impressions Arctiques
Infiniment
glacial
Infiniment
gris
Infiniment
doux
Hiver
du Grand-Nord
Ta
mer en furie
Fait
balancer mon lit
Au
matin sans jour
De
l’hiver Arctique
Ta
bouche invente le soleil
Sur
le fjord gelé
Le
brise-glace avance
Craquent
mes certitudes
Du
monde en gris et blanc
Jaillit
le feu d’artifice
De
mes couleurs intérieures
Cristal
armé de béton
Aux
portes de l’Arctique
La
cathédrale veille
A la
tombée du jour
Dans
l’océan de gris
Flotte
une maison rouge
Sur
la plaine enneigée
Les
hurlements des chiens
Ont
réveillé la lune
Émigrée
à jamais
Au-delà
des frontières
De
ton cercle invisible
Manteau
d’hiver silencieux
Sur
la ville endormie
Les
corbeaux crient
Abandonné
Sous
les piliers de la maison verte
Un
bateau s’est noyé
Musique
céleste
Le
pont suspendu
Fait
l’amour au vent
Dressé
dans l’océan
Un
phallus rouge et blanc
Cligne
de l’œil
Nuit
bénie
Le
blizzard et la lune
Ont
enfanté une Aurore Boréale
Nuit
glacée
Pour
punir le vent déchaîné
Le
matin ne viendra pas
Nuit
polaire
Combien
d’âmes veux-tu
Avant
de ressusciter le soleil
Dans
cet enfer glacial
Rôde
l’ombre inquiétante
De
tes cargos-fantômes
Au
soir qui tombe
Le
ciel rejoint la mer
Tout
est en ordre
Nuit
de tempête
Je
pleure
Des
larmes de mer
______
textes
de Nicole Durand
Feuille
blanche
Peur
tissée et déchirée
Pénélope
s’est suicidée
Des
filets de poissons
L’eau
tourbe
Déborde
furieuse mise en scène
Fêtarde
dites-vous
Quand
j’empoigne la misère
Feu
d’artifice annulé
L’affiche
des mendiants
Défilé
angoissant de vies sans lendemain
Ni
dictionnaire
______
« Le
présent, c’est un squelette qui frappe à la porte » pense-t-elle.
Le
soignant l’entend.
Elle
ne parle plus depuis longtemps.
Le
soignant l’écoute … les mots crissent
Elle
n’a plus mal depuis longtemps d’avoir trop mal.
Le
soignant la regarde.
Suis-je
encore vivante, pense-telle ?
Que
de douleurs accumulées depuis longtemps.
Ils
sont morts tous mais ils rôdent encore.
Fantômes
et revenants
Elle
n’espère plus, plus rien, du tout.
Il
écoute ce corps mort depuis longtemps.
C’est
trop lourd, pense-t-elle.
Depuis
si longtemps devine-t-il.
______
Le
voyage immobile
La
femme au sommeil lointain
En
habits de fantôme
Traverse
les jours et les nuits
Dans
l’indifférence générale
Maison
berceau
Maison
tombeau
Faux
air calme et front lisse
Transparente
et diaphane
Elle
console, apaise les cris
Calme
les gémissements les plus exigeants
Sans
sorties, sans soirées, sans repos
Maison
berceau
Maison
tombeau
Tout
le monde l’oublia
Et
elle s’oublia
La
Télé pour seul univers de ses nuits blanches
l’enferma
peu à peu
l’isola
du monde des vivants
Maison
berceau
Maison
tombeau
La
nuit l’habite et l’engloutit
Depuis
hier
Depuis
toujours
Quand
la peur rôde et veille
Frêle
esquif sur l’océan
Elle
s’abandonne enfin au chancre sourd
Qui
ronge et prolifère
Sans
cri, sans plainte, sans gémissements
Maison
berceau
Maison
tombeau
M’en
songe
La
femme qu dort d’un sommeil lointain
Se
dira-t-elle un jour qu’elle n’est plus seule ?
La
maison tombeau qui l’abrita
Et
qu’elle entretint
Sans
qu’elle soit jamais devenue la sienne
Cette
maison-là
Berceau
ou tombeau
qui
l’agrippa
ne
fut jamais la sienne
Maison
berceau
Maison
tombeau
Front
lisse
Faux
air calme
Tout
la rendait diaphane, transparente
Elle
s’oublia
Tout
le monde l’oublia
Elle
disparut peu à peu
Dans
l’indifférence générale
D’une
famille, d’un voisinage, d’un quartier, d’une petite ville
Maison
berceau
Maison
tombeau
_______
Texte
de Moïse Garcia
«
On peut supporter seul le chagrin, mais il faut être deux pour être heureux » a dit E. HUBBARD.
« Il
faut, quelle obligation ! »
Par
pitié, le jour où nous en serons là, sauvez-vous !!
Ce
jour là, notre amour sera comme le cancer, il nous rongera lentement.
Ce
jour là, je ne serai plus moi, le moi qui vous parle aujourd’hui, le moi que je
suis quand vous êtes avec moi, qui me remplit d’énergie et d’émotion à la foix.
Ce moi qui vous regarde avec l’œil qui brille.
Ce
jour là, sauvez-vous. Sauvez vous car, j’aurai décidé que vous m’appartenez.
M’attendiez
vous, pour vous épanouir, pour vous réaliser ?
M’attendiez
vous, pour vivre, pour connaître l’exaltation de vos cinq sens ?
Comment
un tel fatalisme, une telle obligation de résultat, peut-il nous pousser à
l’épanouissement ?
Comment
cela peut-il nous pousser hors de la routine ?
Tout
ceci vous manque beaucoup trop de respect, tout ceci nous manque beaucoup trop
de respect.
Le
respect est la clé de voûte, d’une relation durable, et ces deux piliers sont
le choix et la liberté.
Le
choix nous donne l’envie, l’épanouissement, le goût du renouvellement, du
dépassement de soi.
La
liberté, renforce l’amour, les liens fait prendre conscience de ces vrais
sentiments …
______
textes
de Christiane Giroud
Je
suis faite de larmes
Je
ne suis pas de bois
Je
suis pleine de charmes
Je
ne suis pas ses pas
La
pluie illumine
Le
soleil se répand
Je
monte sur des cimes
Ou
tombe dans l’étang
Je
suis tout émue
Je
ne suis pas si loin
Je
me rue n’importe où
Me
trompe de chemin
Je
suis une tourmente
Qui
s’endort sans broncher
Je
ne suis pas le calme
Qui
malmène le destin
Je
suis la pluie d’automne
L’eau
vive des chemins
Je
suis la feuille morte
Le
réveil des chagrins
Je
ne suis pas neige
Qui
endort la nature
Je
ne suis pas froidure
Qui
grignote la terre
Je
suis une minute
Qui
s’agite pour rien
Je
ne suis pas rythmée
Pour
vivre la durée
Je
suis une heure peut-être
Mais
je la trouve longue
______
un pas
résonne
un pas s'approche
léger
gai
décidé
elle
en frémit
une voix
chantonne
douce
mélodieuse
insaisissable
mais
… il chancelle
soleil couchant
forêt ombreuse
le pas se
feutre
hésite un
peu
s’éteint
se voile
devient
distrait
s’embourbe
dans la lassitude
ténébreux
imparfait
lune
blafarde
lac
suspect
un cri
inquiet
bafouillé
acide
la voix
grince
elle
questionne
…
ce
pas ?
la peur s’insinue
tenace
les
échecs passés …
l’espoir
en veille …
voix
qui s’estompe
ciel
assombri
nuages glauques
lumière enfouie
froid tourmenté
pas
incertain
(comme
ils hésitent)
l’homme
s’illumine du regard
il entend
une mélodie … ?
qui se
faufile
se
réinvente
ciel laiteux
lumière frivole
murmures
offerts
la voix
s’enhardit
elle
chante
folâtre
caracole
elle ose,
s’essaie
oublie
des notes
soleil
farceur
forêt
vibrante
les pas
piétinent
s’émerveillent
dansent
sautillent
un peu
eux
là, tous
deux
n’y
croient guère
rires
graves
tourbillons
bonheur
si proche
la
lune frémit
délicate.
______
textes
de Thomas Groux
Il
est confortable de se complaire dans un chagrin solitaire. Si le goût de
l’aventure devient intenable, il faut se résigner à faire route à deux pour
rechercher le bonheur.
Quel
inéluctable ennui, quel sombre désespoir faut-il pour se lancer ainsi en cette
tortueuse route ?… Car on devra y braver tant d’insurmontables crises, de
redoutables (et redoutés) instants de doute, d’inéluctables renoncements. Qui
sait combien l’on devra user, au hasard des péripéties, de vérités et de
mensonges, de difficiles compromis, ou de concessions inconcevables ; et
pour quels résultats imprévisibles et aléatoires ?
Le
cuisant échec guette sans relâche et attaque sans merci.
Voici
une aventure qui attend ses héros.
Outre
les habituelles qualités requises dans ce genre d’affaire : courage,
témérité, aveuglement, intelligence, bêtise, passion, etc… o, demandera encore
ici aux protagonistes de savoir s’accorder.
Quels
fous voudraient donc s’y embarquer ?
____________
Le
rêveur voyage…
Il
admire le paysage inédit, contemple les fleurs inconnues, puis le mouvement des
branches dans le vent et ceux du vent dans les arbres…
Le
rêveur voyage…
Il voit
d’étranges animaux, de douces fourrures, de magnifiques plumes, des cuirs
souples.
Il
entend des chants mélodieux et de drôles de cris.
Le
rêveur voyage …
Il
rencontre des gens. Des sages prêts à lui révéler les secrets de l’univers. Des
Apollons et des nymphes prêts à lui dévoiler leurs charmes.
Le
rêveur sursaute.
Le
réveil a sonné.
____________
Cher
Monsieur,
Comme
vous le savez, les nouvelles mesures gouvernementales contre la surpopulation
prévoient l’euthanasie de tous les citoyens âgés de plus de 75 ans.
Malheureusement, nous sommes au regret de vous annoncer que, du haut de vos 118
ans, vous serez l’un des premiers bénéficiaires de ces nouvelles mesures. Nous
vous prions de considérer l’importance de votre sacrifice pour le bien commun
de note société.
Un
groupe de médecins se présentera à votre domicile d’ici une semaine. Veuillez
prendre toutes les dispositions qui s’imposent d’ici là.
En
vous souhaitant une agréable fin de vie, veuillez accepter nos salutations
distinguées.
____________
Je
suis le rocher de la sagesse
Je
ne suis pas n’importe quoi !
Je
suis le bon conseil de tout un village
Je
ne suis pas une pauvre pierre en plein désert
Je
suis le protecteur de leurs troupeaux
Je
ne suis pas du genre à les laisser se perdre
Je
suis garant de leur météo
Hier,
le chaman est venu se plaindre
Il
trouve que la pluie ne tombe pas assez
Il
m’a sacrifié son meilleur veau
Il
m’a longtemps scruté
Peut-être
a-t-il fini par comprendre
En
repartant l’air dépité
Je
ne suis qu’un vieux rocher.
______
textes
de Catherine Plantier
J’ai
longtemps cru que la vie était un long fleuve tranquille ; rien ne pouvait
briser ce bonheur pastel : mari, enfants, amis…l’existence sans pincement,
sans tiraillement, sans douleur.
Et
puis ce matin, comme un tremblement de terre, comme un éboulement, comme un
fantôme dans un placard…je venais de me faire griffer par mon chat.
Juste
un coup de griffe, punition pour l’avoir dérangé, pédant et presque obséquieux.
J’étais
donc cela ? Vide de moi, plein des autres, serviteur utile et pressé, par
qui ? Par quoi ?
Je
m’étais assujettie consciemment par peur…des autres, du monde. Il avait fallut
l’entaille d’une griffe sur ma main pour comprendre que j’étais endeuillée de
moi.
______
La
caravane du silence, dans le jour et la nuit parcourt la terre, dans un sens,
dans l’autre. Inlassable, elle s’use, fracassée par les bruits. Quand elle
s’arrête, elle dérange, on la rejette, on n’a pas de place pour elle.
Elle
doit poursuivre sa route, parfois chassée par les cris et le chaos, elle doute
du chemin à suivre. Chargée des trésors de la paix, pleine des germes de la
raison, brûlante de l’intériorité… elle
tient bon. Et parfois au milieu des violences, des turpitudes, des difficultés humaines,
un chien aboie et la caravane passe.
______
Ma main remonte, elle est
comme un éventail
Elle cherche
Rien.., douceur d’une peau
d’enfant
J’essaie de comprendre
Désir, défi, amour…
Tu es, tu ne bouges plus
Je suis ton étrangère au plus
intime
Tu es là, regard de chien
perdu.
J’entreprends, l’éventail
évente
Laiteuse et zébrée
Accord rythmé sous mes mains
Elle appelle
Nez, bouche, cheveux
A goûter…
Étendue déserte,
J’y dessine, virgules et
points d’interrogations
Mes yeux boivent
Blanc comme le lait d’une
chèvre
Ce
torse imberbe que je raconte
______
Les participants ont proposé une
lecture publique de leurs textes le 12 juin 2007 à la MJC.
À
suivre en 2007/2008…