Élections
municipales de Paris du 16 avril 1893 – supplément au numéro 213
« Zut encore un
candidat ! » vont s’exclamer les bons bougres.
Oui, nom de dieu, encore un ! Seulement bibi n’est pas de la même farine que les autres. Au lieu de sortir des boniments de bigote soûle, et de brailler au populo : « Je suis un lapin, votez pour moi ! » je gueule franchement : « Ne votez pour personne, tous les candidats sont des fumistes et des ambitieux ! »
Bondieu, nous devrions être fixés là-dessus ! Depuis qu’on use du torche-cul électoral – et ce n’est pas d’aujourd’hui – il a défilé à l’Hôtel de Ville une sacrée kyrielle de conseillers municipaux. On a eu des réacs, des opportunards, des socialos, des patrons, des ouvriers. Ça n’a rien changé, cré pétard !
Les types se sont
foutus de notre fiole et n’ont cherché qu’à faire leur beurre.
Les chèques ne sont pas une spécialité du Marais-Bourbon. L’Hôtel de Ville a
les siens, nom de dieu ! Au lieu d’être le Panama, c’est la Compagnie du
Gaz qui éclaire, sans compter celle des Omnibus, celles d’éclairage électrique
… et un tas d’autres fourbis dégueulasses, tels les emprunts de la bonne Ville
de Paris.
Et pendant que ces jean-foutre se gobergent kif-kif des porcs, la mistoufle augmente salement. Le suicides de prolos deviennent chose commune ; des familles entières crèvent de faim. Y a pas de maison qui n’abrite sa misère !
« Alors … Quoi faire ? »
C’est aux bons bougres qui ont soupé de ces horreurs à sortir de la routine : Voter pour Pierre ou Paul, c’est se déclarer satisfait de ce qui existe.
Refuser son vote à n’importe quel candidat, c’est affirmer qu’on veut que ça change. Ça signifie qu’on en a plein le dos d’être exploités par les patrons, grugés par les capitalos, roulés par les élus, muselés et plumés vifs par la gouvernance.
Pour que cessent les horreurs sociales, pour que vienne le bien-être pour tous, un bulletin de vote est aussi utile qu’un pet dans une lanterne. Donc, faut s’abstenir ! … et se préparer à foutre à cul la vieille Société.
Mais ça ne viendra pas tout seul. Faut que chacun y mette du sien. Seul, un chambardement général démantibulera la gouvernance, et enverra dinguer les patrons et les proprios, donner au populo les trois choses indispensables à la vie : le logement, des frusques et de la boustifaille à gog.
Ce qu’il faut c’est Plus de gouvernance ! L’usine aux ouvriers ! LA mine aux mineurs ! La terre aux paysans !
C’est y compris les bons bougres ? Si oui, au lieu de voter, gueulons ferme :
Vive la Sociale ! Vive
l’anarchie !
Vu : LE PÈRE PEINARD,
candidat pour la foôrme.
Pour plus d’explications, les
bons bougres n’ont qu’à se payer toutes les semaines le PÈRE PEINARD, réflexs
d’un gniaff. Le numéro est en vente tous les vendredis chez tous les chands
de journaux ; pour DEUX RONDS on en voit la farce.