Empoisonner les
esprits
Vous qui demandez des subventions, sachez-le : vous êtes priés de n’exprimer (de n’avoir ?) que des idées qui sont celles de vos financeurs. Le fait qu’il s’agisse d’argent public n’importe pas. Vous devrez considérer qu’il s’agit de mécénat privé et obligatoirement chanter les louanges des élus qui règnent sur les organismes dont le travail est financer l’art, la protection sociale ou l’éducation nationale.
« Qui paye décide » est l’adage nouveau de la gestion républicaine. Un maire peut choisir les livres achetés par une bibliothèque publique, un maire peut décider de la programmation du théâtre de sa ville, bientôt un maire choisira les manuels scolaires, tout cela en fonction de ses opinions politiques, puisque la ville paye la bibliothèque, le théâtre et les manuels des écoles primaires.
Respecter les citoyens, ce n’est pas flagorner les opinions politiques de l’élu du moment ou de la majorité du jour. C’est le devoir de vérité, de mise en débat des idées. C’est, de tout temps, le rôle des artistes. Il est vrai que Mme Lagarde, ministre des banquiers, nous intime de « cesser de penser ».
Cherchez l’erreur…
L’éditorial de la plaquette de saison du « Granit » de Belfort a ainsi grandement émotionné notre ministre de la culture et du Disneyland, Mme Christine Albanel. On peut voir les détails de l’affaire et le texte en cause, du metteur en scène Benoît Lambert sur le blog d'Ariane Mnouchkine
On consultera également avec bonheur, à ce sujet, le blog de Valérie de Saint-Do à l'adresse du blog impertinent de Valérie de saint-Do et son utile rappel du regrettable Maurice Druon…
Le travail de recherche et de création que fait Henri Taquet, le directeur du « Granit » depuis des années est bien connu et c’est sans doute cela qui dérange tant la ministre. C’est que l’exigence artistique est questionneuse, dérangeante pour le pouvoir établi. Mais on sait que l’idée de contre-pouvoir est absente de la « pensée » politique de Sarkozy et de ses séides.
Peu importe, nous continuerons. Merci et salut à Henri Taquet et Benoît Lambert pour ce texte salubre.
On peut également alimenter utilement sa réflexion en consultant le texte d’Erri de Luca paru dans « Le Monde » du 4 septembre dernier :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-951077,0.html
Benoît Lambert a raison : « l'élection de Sarkozy peut avoir des conséquences profondes, et probablement désastreuses, sur le cours de nos existences. » Mais, comme lui, nous persisterons à continuer de penser, de débattre, d’agir, et d’exiger de la puissance publique qu’elle joue son rôle pour tous.
Michel Thion