Écrire, c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait. (Marguerite Duras)






Marché de la poésie 2017, toujours aux belles Éditions La Rumeur Libre sortie du petit dernier : "Chroniques de la mort"





Printemps des poètes 2016, aux Éditions La Rumeur Libre sortie de mon livre : "Aphorismes et périls"






















Et pour commencer sa vie, un bel article dans "L'Insatiable", la version "en ligne" de Cassandre" : Aphorismes et périls"




Quelques échos de "L'Enneigement" paru aux Éditions La Rumeur Libre" :

"L"Enneigement" a obtenu le prix "Révélation de poésie 2015" de la Société des Gens de Lettre (SGDL)

Le COPO, groupe de lecteurs de poésie, artistes, enseignants, comédiens, bibliothécaires, réunis au sein de la Factorie/Maison de la poésie Normandie décerne un prix annuel de poésie.
(La Factorie, issue de la Compagnie Éphéméride est un remarquable lieu de poésie à connaître. Voir leurs mutiples activités autour de la poésie sur : La Factorie)

Pour 2016, deux livres ont été élus ex-aequo : "Billes" de Kenny Ozier-Lafontaine (maelstrÖm éditions) qui a également reçu le prix « COPO » des Lycéens, et "L'Enneigement" de Michel Thion (éd. La Rumeur Libre")

Les détails sur le site du CoPo .

Vous y trouverez une note de lecture de « L’Enneigement » tellement élogieuse que j’en rougirais si je savais encore comment faire…

« Derrière une première promesse très humble posée par le titre, "L'enneigement" de Michel Thion porte lui aussi une haute ambition de la poésie, révélatrice des vérités humaines, écrin des émotions les plus fortes. La déclinaison du thème de la neige en des séries de micro-poèmes extrêmement condensés tourne très vite le dos au naturalisme convenu pour rejoindre les dimensions plus larges du haïku, de la formule réflexive courte. Le livre impose son rythme lent, reposant et sage, d'une lecture apaisée. Chaque petit poème demande à ce qu'on s'arrête, parfois de longues minutes, le temps de déployer toute la richesse expressive contenue dans ses quelques lignes, qui ne sont maigres qu'en apparence. Un monde entier se cache derrière chaque tournure, et la neige devient bientôt le seul habit, le seul prétexte à l'évocation d'une conscience de vivre beaucoup plus ample, mûre, réfléchie, face au temps, à l'amour, à la mort. Une écriture si aboutie qu'elle atteint la perfection. Une expérience symbolique à vivre absolument. »

Chaque neige

se veut

la dernière


En cela

Elle est semblable au désir.






Bien sûr, tout ça me réjouit grandement. À propos de "L'enneigement" on peut également lire :

Un bel article de Pauline Perrenot dans le n° 101 de Cassandre en ligne
Une note de lecture de Vanessa Curton sur son blog "Zone littéraire".
Un article de Mlchel Baglin sur son site "textures".
Un article de Vincent Motard-Avargues sur le très riche site de poésie "Recours au Poème"".
Et une rencontre chaleureuse avec Marc Ribagnac, un entretien paru sur le blog consacré aux arts Le naaba

La lecture de "L'Enneigement" en duo avec la chanteuse Nelly Frenoux, créée au CCO de Villeurbanne, a été filmée.

En voici quelques extraits Ici





Pour commencer votre lecture de ce site, une tentative d'allumer une lumière, une de ces chandelles qui chassent à elles seules l'obscurité tout entière.

Un texte écrit pour la fête du n° 100 de Cassandre, une belle soirée accueillie par le beau Cirque Romanès, le 20 février 2015. Si vous l'avez ratée, on espère pour bientôt quelques vidéos souvenir sur le site de Cassandre.





Pour la fête de Cassandre




Ce soir, c'est à toi que je parle

Oui, à toi seul.

Je suis poète, tu sais, et c'est ce que font les poètes. Ils ne parlent pas aux foules.

Non, un poète parle à un seul humain à la fois, sensible. Un seul à la fois même s'il est plusieurs.

Parce qu'on est seul : tu le sais.

Chacun de nous, chacune de nous, est seul comme une île.

Tu es une île, je suis une île, nous sommes seuls, au-delà de l'horizon.

Mais je sais que tu es là.

Je te sais.

Et tu me connais, moi, ton île si proche.

Ou bien tu ne me connais pas mais tu me sais également. Tu sais ma voix.

Je suis, nous sommes, des îles qui échangent, qui voyagent.

En te parlant, je voyage immobile vers toi.

C'est que les îles sont reliées par la mer et la mer est le chemin que nous parcourons tous.

Si tu regardes bien, nous, les humains, en réalité, nous sommes un archipel.


Parenthèse de culture générale : Archipel, n.m. groupe d'îles dans un espace géographique discontinu.


Toi et moi sommes l'archipel d'un possible, le souvenir d'un futur possible.

Quelle est alors cette mer qui nous sépare et nous relie ?

Je vais te dire, c'est l'océan de la langue.

La langue, cet espace discontinu, le lieu des échanges incertains, parcellaires, maladroits, parfois fuyants, parfois brutaux.

C'est notre espace commun, avec ses creux et ses montagnes.

Pleine de vide est la langue. C'est son paradoxe et sa beauté.


" Là où il n'y a rien, lisez que je vous aime ", disait Diderot dans une lettre d'amour à Sophie Volland.

Heureuse femme à qui l'on écrivait de telles merveilles.


Je te parle et, ce faisant, je voyage vers toi.

Et dans les creux, dans les riens de la langue, il y a de l'amour et de la détresse, il y a des significations et des ambigüités, il y a des vertiges et des nuits énigmatiques, dans les vides de la langue il y a l'essentiel.

Les paroles sont des vagues, des marées, parfois des tempêtes, le ressac de la pensée.

Et moi je suis une île poète.


De longue date, je cherche ce que nous sommes et j'en sais très peu.

Je sais seulement aujourd'hui que nous sommes des êtres parlant et délibérant, et riant ensemble.

Délibérant, c'est important.

La parole échangée vaut mieux que la parole proférée, même si, au cœur de notre drame d'humain-île, on n'a parfois pas d'autre choix que de crier.

Mais l'homme qui crie sera sans cesse recouvert d'autres cris, car le monde est ainsi fait que toujours un homme crie.

L'homme qui fait silence ne peut être recouvert de silence, et chacun entendra son silence à l'entour.

Et le silence est le cadeau que chacun fait à l'autre pour que les paroles soient vraiment échangées.

Mon silence n'est pas vide, il est empli de ta parole, il est l'espace pour ta pensée.

La délibération est pleine de silences, pour que chacun, chacune, prenne sa part du festin de la parole, pour que les vagues, les ondulations de la parole voguent en paix vers d'autres îles.

Et puis, quand ma mémoire est en ruines, le silence en est l'archéologue.

Un poète offre ce silence-là.


Ici, placer trois points de suspension.

...

En grec " Poïesis " c'est l'action de faire en fonction d'un savoir.

Que fait-il, un poète, avec son savoir intuitif de la langue ?

Il écrit avec une gomme au lieu d'un crayon.

Il dessine un murmure au cœur du bruit.

Il fait place à sa table, pour un qui lira.

Il chuchote dans la brume.

Il souffle sur les cicatrices.

Il dort du sommeil de l'éveillé.

Dans chaque ville, il habite rue du silence.

Il sait que la nuit n'obscurcit pas le jour, mais qu'elle le prolonge. Plus tard, elle l'annoncera.

Il a la poésie au bord des lèvres
photo Olivier Perrot

Il joue le blues avec des cordes de pendus sur la guitare du diable.

Il partage le vin de l'obstination.

Il devient lentement transparent.

Il veut l'éveil du sens.

Il écrit des poèmes à retardement.

Il boit le souffle du soleil. Il le regarde en face, en devient aveugle un instant rouge sang, et puis, au moment où la vue revient par bribes, par éclairs sombres, il lutte pour garder les yeux ouverts et il écrit au milieu des larmes.

" Le monde entier est une scène " nous confie Jacques le mélancolique, la scène d'un théâtre d'ombres, la scène primitive de la caverne de Platon.

Mais dans un théâtre d'ombres, c'est l'ombre qui est importante, c'est l'ombre qui parle.

Je me souviens de Giono :

" Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d'une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c'est la bâtisse d'ombre qui compte ".

Alors je t'écris des poèmes d'ombre.

Pour que ma parole laisse une trace sur l'eau.


Ici, laisser s'installer un silence troublant, interrogatif, peut-être même perplexe.


Trois autres points de suspension.


...


Poème en jaillissement ou poème en goutte-à-goutte, qu'importe, c'est ce que fait un poète.

Il parle en silence.

Sa parole dessine le silence comme le pinceau d'encre noire dessine la neige.

Je me souviens d'Antonio Tabucchi :

" Vous aussi vous devez parler. C'est pour cela que la nature a fait de nous des créatures humaines. Si vous dites ne serait-ce qu'une fois non, votre nature humaine sera sauve. Si vous restez silencieux vous aurez vous-même rempli votre bouche de terre. Vous ne serez que des oreilles qui écoutent. Or c'est exactement ce qu'on attend de vous. "


Écoute le paradoxe du poète : se taire n'est pas faire silence.

Le poète fabrique du silence quand il parle.

Chacun de nous est une île, un récif de corail blanc et pourpre qui enserre un volcan, peut-être éteint, peut-être… mais ce volcan vient du centre de la Terre et le centre de la Terre est notre commun berceau.

Et si chacun est le barbare de l'autre, n'oublie pas que chacun est d'abord son propre barbare.


Je me souviens d'Henri Michaux, en 1943, mais ce pourrait être aujourd'hui.

" Dedans c'est la fumée, dehors c'est la fureur.

On embauche les flammes pour la destruction des édifices. On embauche la bassesse humaine pour la destruction des fiertés. On embauche la bêtise et la veulerie dans un immense et composite outil. Et travaille dur cet outil, dur et insolemment, par-ci par-là avec des souplesses, puis de nouveau dur et impudent, lassant la résistance et développant un immense imbroglio.

Mais dur pour qui le subit. Et qui ne le subit pas ?

Le travail creuse, le crachat aussi.

Jusqu'où tomberas-tu ?

Jusqu'où fléchiras-tu, peuple méconnaissable ? "



Je te parle à toi seul.

Je t'offre du silence et de la lenteur pour que nous prenions le temps d'y penser.

Pense à ceci, qu'on n'entend pas l'oiseau marcher dans la neige mais au matin on voit bien qu'il est venu.

La danse du silence est le chuchotement de la nostalgie. C'est qu'il faut quatre soupirs pour faire un silence.

Avant de reprendre le chemin de la parole, je voudrais dire aux amis qui nous accueillent ici,


Je vous regarde en silence et je pense à la douceur que nous partageons. Vraiment, notre rencontre a eu lieu au jardin des silences, à l'ombre des larmes murmurantes.

Nos frères les errants, furtifs comme l'ombre d'un regard, ont repris la route.

Le chemin est leur maison.

Ils possèdent l'art subtil du sourire caché,

leur parole est rare, mais ils ont le dire parsemé de lumières changeantes et graves, ils parlent avec la bouche de lumière.

Ils sont notre légèreté, notre abandon au monde.



Et c'est bon de savoir que, lorsque les maisons de pierres se ferment au verrou les unes après les autres, nos frères les errants nous montrent à construire des maisons de vent, ouvertes à chacune et chacun.

Et moi, île-poète, je les habite avec ces poèmes d'ombres et de vent que je t'adresse ce soir.

Alors, songes-y, dans ta solitude partagée :

Je te dis que les abysses sont en nous.

Car sans le silence, la parole est une froide ondulation de l'atmosphère.

Car sans le silence, la parole est un meurtre.


Michel Thion




Les années de plomb sont de retour dans toute l'Europe. Austérité, chômage de masse, répression féroce des mouvements populaires, racisme institutionnel, les religions se bousculent au portillon des crédulités, le fascisme ne rampe plus, il se pavane.

Et pourtant, la résignation n'est pas de mise. La poésie tient haut son flambeau. La création à Lyon du " Syndicat des poètes qui vont mourir un jour " est une goutte de joyeuse colère, Ce n'est pas la seule, loin de là. Les poètes écrivent, les éditeurs publient, les festivals et les lectures se multiplient, et les amoureux du langage, des mots sont là, toujours plus nombreux.

Bien sûr, il y a parfois des morts dans les rangs, mais d'autres arrivent et, dans l'indifférence, au mieux, dans l'ignorance crasse, au vrai, du milieu littéraire, la poésie vit.

La poésie donne du temps et de l'espace aux sentiments et à l'intelligence. La question n'est donc pas " pourquoi écrire de la poésie ? " mais " comment ne pas écrire de la poésie ? ".

Lors d'un débat de la belle revue " Cassandre ", une intervenant définissait l'artiste comme " celui qui ne peut pas s'empêcher ". Eh bien, nous en sommes, de ceux qui ne peuvent pas s'empêcher, qui ne laissent pas la langue dans l'état où ils l'ont trouvée en arrivant, qui la trouent, la brodent, l'augmentent ici, la creusent là, et chaque poème en fait un outil augmenté.






On peut retrouves les échanges imaginaires avec quelques auteurs qui m'ont marqué sur la page dialogues




Un rappel : En 2009 a eu lieu la création au Centre Pompidou à Paris du "Deuxième récit du monde", en compagnie de Julien Tarride, musicien, plasticien, grand dompteur des arts numériques et ami cher.

On peut voir une captation du spectacle sur href="https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cTxpdx/rrgR7g4" target=pagevide>cette page La qualité est moyenne mais, en attendant mieux, cela vous donnera une idée du travail.

Le livre, "le récit du monde" est paru aux Éditions Color Gang, avec une préface du compositeur et chef d'orchestre Paul Méfano.



En dehors de cette page d'accueil, entièrement refaite, vous trouverez une page Agenda à jour, mes voeux depuis 1997 et de nouvelles citations sur la page dédiée



Michel Thion



(Dernière mise à jour le 25 avril 2016)



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Bonne lecture.
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